La Loi sur le droit d’auteur soutient la créativité des artistes, protège leurs droits moraux et leur apporte une source de revenu. Qu’est-ce que les artistes veulent changer dans la loi ?
Les associations professionnelles d’artistes en arts visuels, et les sociétés de gestion collective du droit d’auteur, demandent aux artistes d’être prudents dans leurs demandes de réforme des lois sur le droit d’auteur qui sont conçues pour les avantager.
Au début de juin, deux artistes canadiens, Gordon Duggan et Sarah Joyce, ont fait circuler une lettre ouverte adressée à la communauté artistique canadienne. La lettre n’allait pas jusqu’à demander une révision spécifique de la loi aux ministres fédéraux de Patrimoine canadien et de l’Industrie, mais elle requérait que la communauté artistique soit consultée avant toute proposition de changement.
Cette lettre empruntait un ton alarmiste pour prétendre que les artistes canadiens du domaine des arts visuels qui pratiquent ce que l’on appelle l’appropriation sont passibles de poursuites et elle suggérait que la Loi sur le droit d’auteur soit changée afin de protéger ces artistes. L’appropriation est un terme bien compris dans le milieu artistique, mais qui l’est moins à l’extérieur. Elle consiste en l’utilisation d’œuvres déjà existantes pour créer d’autres œuvres qui commentent, souvent en les parodiant ou en les critiquant, des aspects de l’art ou de la culture.
Les associations d’artistes professionnels, le RAAV et CARFAC, ainsi que les sociétés de gestion qui leur sont associées, SODART et CARCC, se sont donné pour mission d’encourager et de soutenir les réformes de la loi qui, en étendant la portée des droits d’auteur, permettraient d’améliorer les revenus des créateurs. Elles encouragent aussi le renforcement des droits moraux, c’est-à-dire de la protection de l’intégrité des œuvres artistiques, de leur droit de revendiquer la paternité de leurs œuvres et de leur droit de protéger leurs œuvres d’une association avec des causes qu’ils désapprouvent – droits qui, lorsqu’ils sont enfreints, peuvent nuire à la réputation de l’auteur. L’appropriation sans permission, ou sans mention du nom du créateur original, ou l’utilisation de portions d’œuvres, contrevient aux droits moraux du créateur. Si les droits moraux devaient être retirés de la Loi sur le droit d’auteur, ou simplement dilués afin de permettre des exceptions, les artistes seraient exposés à de nombreux abus. De plus, si les artistes cessaient de recevoir une rémunération pour ce qu’ils créent, pour quelles raisons (et avec quels moyens) continueraient-ils de produire des œuvres d’art ?
La Loi sur le droit d’auteur vise également à accorder aux utilisateurs un accès raisonnable aux œuvres protégées en recherchant un équilibre pratique entre les droits des créateurs et ceux des utilisateurs. La lettre ouverte demeure nébuleuse quant aux demandes de révisions de ces artistes « appropriationnistes ». Les artistes et tous ceux qui utilisent les œuvres d’un créateur sont en effet susceptibles d’être poursuivis s’ils n’ont pas obtenu au préalable la permission de le faire. Cependant, il faut dire que dans la jurisprudence canadienne il y a bien peu de causes qui touchent même de près les appropriations artistiques. La loi, si elle est respectée, protége déjà les artistes qui pratiquent l’appropriation. En effet, un artiste, comme toute autre personne, peut utiliser le travail d’un autre s’il en obtient la permission comme la loi le requiert. Des disciplines artistiques comme le cinéma le font régulièrement; à preuve, les longs génériques qui défilent à la fin de la plupart des films. Les artistes en arts visuels qui créent en utilisant les œuvres, les techniques ou la collaboration d’autres créateurs, feraient bien de demander les permissions nécessaires, de les rémunérer pour leur contribution et de mentionner leurs noms. C’est ainsi que la loi les protège.
CARFAC et le RAAV ont pour opinion que les artistes doivent être extrêmement prudents s’ils désirent des exceptions aux exigences de la loi afin de protéger leurs propres pratiques artistiques. Si les artistes eux-mêmes ne respectent pas la loi, comment s’attendre à ce que d’autres la respectent ?
Quelles sont les modifications à la Loi sur le droit d’auteur demandées par CARFAC et le RAAV ? L’inclusion du droit de suite dans la Loi sur le droit d’auteur figure en tête de liste. Ce droit requérrait qu’un artiste perçoive un pourcentage du prix de la revente de ses œuvres. Le droit de suite serait un gain majeur pour les artistes en arts visuels, en particulier lorsque leurs œuvres prennent de la valeur, car ils pourraient bénéficier des ventes qui surviennent après la vente initiale.
Plusieurs propositions qui étaient incluses dans le défunt projet de loi C-60 avantageaient les artistes, malheureusement il a été mis de côté suite au départ de l’ancien gouvernement. Une bonne partie de ces propositions valent la peine d’être retenues, entre autres, celles qui permettraient au Canada de se conformer aux traités de l’Organisation mondiale pour la propriété intellectuelle (OMPI) et celles qui protègeraient les droits des photographes, des graveurs et des portraitistes comme le sont ceux des autres artistes. Toutefois, CARFAC et le RAAV aimeraient que soient adoptées des mesures de protection contre la cyberpiraterie plus fermes que celles proposées dans le projet de loi C-60. En outre, ces associations s’objectent à ce que des exceptions soient accordées aux établissements d’enseignement en ce qui a trait à l’usage en classe via l’internet de matériel protégé; elles soutiennent plutôt l’idée que ces utilisations peuvent faire l’objet de licences comme il en existe déjà pour les documents photocopiés. Les artistes créateurs doivent être rémunérés pour l’utilisation de leurs œuvres à des fins éducatives. La gratuité de la culture est un mythe.
Au fil des ans, les artistes, et ceux qui les représentent, ont fait pression avec succès sur les législateurs pour obtenir des réformes à la loi. Ils ont aussi été consultés sur les réformes qui pouvaient les affecter. Le droit d’exposition, qui permet à un artiste d’obtenir une compensation pour la présentation publique de ses œuvres lorsque cela n’est pas fait à des fins de vente ou de location, a été ajouté à la Loi sur le droit d’auteur en 1988. Cette addition à la loi constitue une victoire pour les artistes en arts visuels. En réalité, la réforme de la Loi sur le droit d’auteur est un processus continu prévu dans la loi elle-même. Si des artistes ou des professionnels s’inquiètent de ne pas être consultés à propos d’éventuels changements proposés à la loi, il n’est pas inutile de transmettre cette préoccupation aux nouveaux ministres Patrimoine canadien et de l’Industrie. La communauté artistique a toujours su apporter une contribution importante à toute discussion sur la réforme de lois qui l’affectent directement.
Source:
Janice Seline, Directrice générale, CARCC (Canadian Artists’ Representation Copyright Collective)
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