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Un projet de loi américain menace les droits des créateurs canadiens

Montréal, 15 mai 2008 – Plusieurs associations d’artistes du Québec et du Canada s’inquiètent vivement à propos d’un projet de loi sur les œuvres dites « orphelines » qui sera soumis prochainement au congrès des Etats-Unis dans le but de répondre aux requêtes de puissants lobbys incluant les « majors » de Hollywood, les magnats de l’internet et des associations de musées américains. Le « ORPHAN BILL » stipule que toute oeuvre non attribuée, c’est-à-dire dont on ne connaît pas l’auteur, pourra être utilisée et commercialisée sans crainte de poursuites légales. Il suffira que l’utilisateur fautif démontre qu’il a effectué « des recherches raisonnables » (reasonably diligent research). Toutefois le degré de sérieux de ces recherches serait déterminé par l’utilisateur.

Tous les types d’oeuvres sont visés: de la peinture professionnelle aux photos de famille, d’oeuvres artistiques ou d’oeuvres commerciales; des photos personnelles aux photos de mariages publiées ou non publiées, des œuvres musicales, littéraires ou artistiques aux œuvres cinématographiques, qu’elles soient disséminées sur l’Internet ou par tout autre type de média. Tout type d’œuvre, de quelque pays qu’elle provienne, patrimoniale ou non, pourrait donc faire l’objet d’une appropriation par un grand consortium médiatique ou tout individu ou entreprise désireux de faire de l’argent sur le dos des créateurs.

Il est évident que les arts visuels et la musique seraient particulièrement touchés puisque ces oeuvres sont souvent reproduites sans le nom de l’auteur ou de façon à ce que le nom de l’auteur puisse être facilement éliminé. De plus, l’effet pour les cultures autochtones pourrait être dévastateur puisque les noms des auteurs sont rarement indiqués. On pourrait assister à un pillage systématique et légalisé des œuvres artistiques. Pour peu que l’utilisateur puisse démontrer qu’il a fait une « recherche raisonnable » afin d’identifier l’auteur, cette appropriation serait légale. Un artiste aurait le fardeau de la preuve pour défendre sa propriété intellectuelle sans même être certain d’avoir gain de cause.

Cette loi mandaterait la création de nombreux registres administrés par des corporations privées où chaque auteur devrait inscrire chacune de ses oeuvres pour les protéger. Un photographe devrait ainsi enregistrer chacun des clichés pris par sa caméra; un illustrateur ou un peintre, chacune de ses ébauches. Toute oeuvre non inscrite dans l’un de ces registres pourrait devenir une « oeuvre orpheline » et donc être utilisée et commercialisée selon le bon vouloir d’individus ou de corporations. Bien entendu, ce serait l’industrie privée qui déterminerait les coûts et les modalités d’inscription de ces œuvres dans ces registres. Non seulement on pillerait les œuvres mais on exigerait de l’artiste qu’il paie pour les enregistrer afin de les protéger.

Cette loi vient à l’encontre du Traité de Berne qui stipule que le droit d’auteur ne doit être restreint par aucune formalité. De plus elle ne respecte pas les ententes internationales du TRIPs (Agreement on Trade Related Aspects of Intellectual Property), UNESCO. Il est donc probable que cette loi, si elle était adoptée, soit susceptible de poursuites en vertu des traités internationaux sur la propriété intellectuelle.

En effet, même si cette loi était votée aux Etats-Unis son impact se ferait sentir sur tous les créateurs à l’extérieur de ce pays. De toute évidence, une fois appliquée, cette loi ne fera pas de différence entre une oeuvre créée par un états-uniens et une oeuvre d’un créateur canadien ou d’un autre pays. Cela voudrait dire que TOUTES les oeuvres créées mondialement devront être enregistrées dans ces registres américains ! De plus, seulement les états-uniens pourront se prévaloir de cette loi étant donné que de telles pratiques seront illégales dans tous les autres pays, leurs donnant un avantage immense mondialement et faisant s’effondrer les prix des licences des oeuvres sur le reste du marché mondial.

C’est pourquoi l’Alliance pour les droits des créateurs (CRA-ADC), le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (RAAV), l’Association des Illustrateurs et Illustratrices du Québec (AIIQ), l’Association québécoise des auteurs dramatiques (AQAD), la Canadian Association of Photographers and Illustrators in Communications (CAPIC) et la Canadian Artists’ Representation / le Front des artistes canadiens (CARFAC), représentant quelque 140 000 artistes, pressent le gouvernement canadien d’agir rapidement pour protéger les créateurs québécois et canadiens. Ces associations de créateurs enjoignent les autorités gouvernementales canadiennes de protester vivement contre l’adoption d’une telle loi aux Etats-Unis.

Sources : On peut trouver plus d’information sur ce projet de loi sur le site ici.