Montréal, mercredi 3 novembre 2010 – Monsieur Marcel Barbeau, artiste réputé, signataire du Refus Global, a décidé d’apporter son soutien aux demandes des deux grandes associations nationales d’artistes en arts visuels du pays, CARFAC et le RAAV. Dans un courriel adressé à la direction générale du RAAV, Monsieur Barbeau, vitupère sévèrement le Projet de loi C-32. Dans son courriel il déclare : « Notre œuvre, nos droits d’auteur sont notre seul fonds de retraite et on veut nous les retirer. » À 85 ans, Marcel Barbeau a décidé de se lever contre des modifications à la Loi sur le droit d’auteur qui ne feront qu’aggraver la situation de précarité dans laquelle vivent les artistes.
Le droit de suite sur la revente des oeuvres d’art
L’inclusion du Droit de suite dans notre législation sur le droit d’auteur préoccupe Monsieur Barbeau depuis 1977. Malheureusement, le gouvernement canadien a manqué une belle occasion de l’inclure dans le projet de loi C-32. Ce droit de suite permettrait aux créateurs d’oeuvres artistiques, de percevoir un petit pourcentage du produit de la revente de leurs œuvres. Le Droit de suite existe dans 59 pays à travers le monde, dont l’Angleterre, la France et l’Australie. Il écrit : « L’une de mes œuvres de 1956, que j’avais donnée à un ami en 1956 ou 1957, a été vendue un peu plus de 86 000 $ aux enchères en 2008 par son héritier. Je n’ai pas touché un cent sur cette vente et j’en avais pourtant beaucoup plus besoin que lui. Comme j’ai donné à des amis presque toutes mes oeuvres de jeunesse que je n’ai pas détruites ou que j’ai vendues à très très bas prix, je ne peux tirer presque aucun bénéfice d’une carrière qui m’a coûté très cher. Les autres s’enrichissent avec mes oeuvres alors que ma situation reste précaire à 85 ans.» L’exemple de M. Barbeau éclaire toute l’injustice de cette situation. Dans ce cas précis, M. Barbeau aurait pu retirer plus de 4 000$ de cette revente. Une somme dont il aurait bien besoin dans sa situation d’artiste senior.
L’exception éducationnelle
Monsieur Barbeau se préoccupe également de la question des droits de reproduction en milieu éducationnel et du droit d’exposition: « L’utilisation des droits de reproduction par les institutions me paraît aussi préoccupante. Pourquoi les écoles, les universités, les musées et autres utilisateurs acceptent-il de payer des salaires ou des honoraires importants – dont nous ne pouvons même pas rêver en fin de carrière – à tous leurs employés et contractants, y compris ceux qu’ils utilisent pour limiter et contrer l’application du droit d’auteur, et refusent-ils obstinément de verser les droits d’auteur aux artistes dont les œuvres sont le fondement même de ces institutions ? Il faudrait d’ailleurs étendre ces droits aux artistes décédés depuis plus de 50 ans et que les fonds recueillis soient versés à des organismes de gestion des droits d’auteur et redistribués à l’ensemble des artistes professionnels ou à un fonds de retraite. Ainsi, les utilisateurs ne seraient pas induits à négliger les artistes vivants par soucis d’économie. Ces fonds permettraient de créer de véritables fonds de retraite pour les artistes comme cela existe en France. Y ayant vécu pendant à peine une quinzaine d’année, je reçois pourtant aujourd’hui un montant presque aussi important de mon régime de retraite français que ceux de mes deux régimes de retraites canadiens où j’ai produit et exposé mes œuvres pendant 65 ans ».
Discrimination dans l’application du Droit d’exposition
Marcel Barbeau s’insurge également contre le fait que ses oeuvres produites avant juin 1988 ne sont pas couvertes par le droit d’exposition et qu’il ne peut par conséquent pas bénéficier de redevances pour ces oeuvres lorsqu’elles sont exposées publiquement. Il poursuit : « Il me paraît particulièrement odieux d’exclure les oeuvres produites avant 1988 du droit d’exposition. Ces œuvres ont souvent été données ou vendues à très vil prix à l’époque. Elles ont été produites sans aucune aide gouvernementale dans la misère extrême. Nous y avons perdu notre santé, notre famille, notre vie et nous n’avons pas de fonds de retraite n’ayant jamais eu de revenus assez élevés pour y contribuer. C’est du moins le cas des artistes qui n’ont jamais eu le privilège d’avoir un métier alimentaire rentable. »
Le RAAV et CARFAC réclament du Gouvernement et des élus fédéraux une révision majeure du projet de loi C-32. Les artistes du domaine des arts visuels et le public sont invités à visiter le site Internet du RAAV pour se faire une idée des dangers que comporte ce projet de loi, et à faire entendre leur voix.