Nous avons, nous aussi, été troublés par la déclaration qu’a faite, la semaine dernière, l’Association des musées canadiens à propos des redevances d’artiste devant le Comité législatif. Nous nous réjouissons cependant devant le nombre de messages de nos membres exprimant leur appui au principe des redevances et leur désir d’améliorer la condition d’artiste.
Heureusement, la version actuelle du projet de loi C-32 ne propose pas l’élimination du droit d’exposition, et il est peu probable à cette étape qu’un changement y soit apporté. Il est également peu probable que les musées cessent complètement de payer des redevances aux artistes. Cependant, il semble clair que l’AMC ne considère pas que les musées devraient le faire pour les usages multiples, et l’association s’appuiera sans doute sur l’argument de l’exception dans le domaine de l’éducation contenue dans le projet de loi C-32 pour utiliser des œuvres sans payer.
L’Association des musées canadiens a accusé CARFAC de donner une fausse représentation de sa déclaration. Certes, nous avons insisté sur les aspects que nous estimions inquiétants et dont nous pensions que les artistes devaient être informés. Voici quelques citations directes tirées de la présentation de l’AMC ; vous pourrez juger par vous-mêmes.
Le projet de loi ne prévoit pas l’abolition du droit d’exposition, instauré en 1988 dans la controverse et malgré le refus du Sénat du Canada. Or, ce droit est problématique et d’ailleurs, aucun autre pays ne prévoit un tel droit dans sa législation. La semaine dernière, un témoin a proposé que le droit d’exposition publique soit étendu en le rendant rétroactif. Nous croyons qu’il ne serait pas sage d’aller dans cette direction.
Notre loi comporte une telle disposition depuis plus de 20 ans et aucun pays ne nous a emboîté le pas. La mesure est coûteuse et lourde et elle ne procure aucun revenu important aux artistes. Elle est devenue un obstacle à l’exposition d’oeuvres contemporaines ou de toute oeuvre visée par ce droit. En étendre la portée aurait pour conséquence d’enlever les droits de propriété aux détenteurs légitimes des oeuvres. Nous recommandons que le droit d’exposition soit remis en cause et examiné dans la prochaine ronde d’amendements dans l’objectif de l’abolir et de le remplacer par un programme de compensation semblable à celui qui est prévu par le droit de prêt public.
CARFAC appuie l’instauration d’un programme de compensation pour les artistes en arts visuels ; toutefois, nous ne croyons pas que le paiement volontaire de redevances par l’intermédiaire d’un fonds puisse avoir la même valeur que le droit d’exposition enchâssé dans la loi. En 2007, nous approuvé la mise sur pied d’un comité paritaire ayant pour vocation de promouvoir la création d’un Fonds pour les droits d’exposition publique.
À propos des autres redevances d’artiste :
De nos jours, la fréquentation des musées atteint des niveaux inégalés. Les Canadiens s’intéressent à notre patrimoine et à notre art et ils désirent y avoir un plus grand accès, non seulement sur nos murs, mais aussi sur les écrans de leurs ordinateurs. Nous rendons ces services dans l’intérêt du public, mais ils ne génèrent toutefois que peu ou pas de revenus.
Par ailleurs, nous nous plaçons en état d’infraction lorsque nous permettons l’utilisation d’oeuvres à des fins non commerciales, même si nous sommes les propriétaires de ces oeuvres. Les musées doivent payer des droits aux artistes pour exposer leurs oeuvres, même s’ils en sont propriétaires. Cette situation doit être abordée. Nous ne pouvons copier ou afficher une oeuvre sur nos sites Web sans payer. Nous ne pouvons copier des documents ou les photographier pour utilisation par des tiers sans enfreindre le droit d’auteur. Nous ne pouvons présenter des diapositives d’oeuvres d’art lors de nos conférences publiques sans payer des droits et nous ne pouvons publier un catalogue sans payer des droits. Comment faire notre travail sans enfreindre la loi, particulièrement dans un contexte où le financement des musées et de la culture en général demeure incertain ?
Lorsque il a été demandé ce que l’actuel projet de loi impliquerait pour les musées, Jon Tupper, de l’AMC, a dit : « En tant que dirigeant de musée, si je dois dire en quoi je trouve [ce projet de loi] formidable, quelle utilité il aura pour moi, [je répondrai que] c’est le fait d’avoir des œuvres disponibles sur Internet à des fins éducatives. » Il s’agit probablement d’une référence à l’exception dans le domaine de l’éducation.
Selon nous, de telles déclarations sont préoccupantes. Nous avons été en contact avec l’AMC et le serons dans les prochains jours, pour discuter de nos points de vue différents sur la question des redevances d’artiste et réfléchir à la possibilité d’une solution.
On peut lire la totalité de la présentation de l’AMC sur son site Web. On peut également regarder l’audition, y compris les questions posées par les députés, sur ParlVue. La présentation du CMA commence à 1:17.