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Le droit de suite : les retombées sur les artistes

Des ventes aux enchères auraient pu valoir des redevances du droit de suite à Marcel Barbeau

Ouvri par Marcel Barbeau

Entre 1989 et 2013, au moins 40 œuvres de Marcel Barbeau vendues aux enchères auraient pu valoir à cet artiste des redevances découlant du droit de suite. Le manque à gagner total s’élève à 9 824 dollars. Les redevances auraient atteint entre 50 et 3 650 $, soit un paiement moyen de 246 dollars par œuvre.

Le prix le plus élevé atteint lors d’une enchère par une des œuvres de ce peintre-sculpteur atteint à ce jour 75 000 dollars, pour le tableau Ouvri, vendu en 2008 par la maison Heffel Fine Art de Vancouver.

Le droit de suite offre aux artistes une compensation à titre de contributeurs à la valeur de leur travail
Le droit de suite reconnaît que l’artiste lui-même contribue de façon importante à la valeur qu’acquiert son travail, et lui permet de jouir d’une part du succès commercial de son œuvre. Il offre aux artistes un revenu durable fondé sur la valeur de leur propre labeur. Si l’œuvre est donnée à une institution ou à un ami, le droit de suite représente pour l’auteur la seule possibilité de toucher des revenus de ce travail. Marcel Barbeau est d’accord sur ce point : « L’une des œuvres que j’ai produites en 1956 et que j’avais donnée à un ami a été vendue aux enchères par son héritier un peu plus de 75 000 dollars. Or, je n’ai pas touché un centime sur cette vente. D’autres s’enrichissent grâce à mes œuvres tandis qu’à 85 ans, je vis encore dans la précarité ».

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Des ventes aux enchères auraient pu valoir des redevances du droit de suite à Mary Pratt

Entre 1996 et 2013, au moins 36 œuvres de Mary Pratt vendues aux enchères auraient pu valoir à cette artiste des redevances découlant du droit de suite. Ces redevances, qui auraient varié entre 60 et 2 375 dollars, constituent un manque à gagner total de 21 132 dollars, soit un paiement moyen de 587 dollars par œuvre.

Le prix le plus élevé atteint lors d’une enchère par une des œuvres de cette artiste atteint à ce jour 47 500 dollars, pour le tableau Or poire en rouge, vendu en 2007 par la maison Heffel Fine Art, de Vancouver.

Le droit de suite influe sur la capacité des artistes âgés à gagner leur vie
Le droit de suite offrirait un avantage particulièrement important aux artistes âgés du Canada. En effet, on tient souvent pour acquis que les artistes, une fois établis, deviennent prospères. Or, CARFAC a constaté que même les lauréats du Prix du Gouverneur général trouvent difficile – voire impossible – de vivre de leur art. La mise en œuvre du droit de suite au Canada assurerait une plus grande indépendance financière à nos artistes âgés, dont beaucoup sont dans le besoin. Comme le dit Mary Pratt : « J’ai vu la valeur de mon travail augmenter fortement au fil du temps. À titre d’exemple, une des peintures que j’ai réalisées en 1966 et vendue 40 dollars est évaluée actuellement à 20 000 dollars. À mesure que nous vieillissons, il devient plus difficile de trouver l’énergie nécessaire pour maintenir une productivité qui puisse nous assurer un niveau de vie décent ».

 

Des ventes aux enchères auraient pu valoir des redevances du droit de suite à Daphne Odjig

Entre 1992 et 2013, au moins 61 œuvres de Daphne Odjig vendues aux enchères auraient pu valoir à cette artiste des redevances découlant du droit de suite. Ces redevances, qui auraient varié entre 50 et 3 000 dollars, constituent un manque à gagner total de 35 880 dollars, soit un paiement moyen de 588 dollars par œuvre.

Le prix le plus élevé atteint lors d’une enchère par une des œuvres de cette artiste s’élève à ce jour à 60 000 dollars, pour la peinture Éveil du printemps, vendue en 2012 par la maison Heffel Fine Art de Vancouver.

En 2012 seulement, douze des œuvres de Daphne Odjig ont été vendues aux enchères. Si le droit de suite était en vigueur au Canada, cette artiste aurait touché des redevances de 7 218 dollars pour cette année.

Le droit de suite assure aux artistes une plus grande indépendance financière
Le marché de l’art canadien est en croissance. Pourtant, les artistes en arts visuels sont en train de manquer les bénéfices réalisés dans le marché secondaire grâce à leur travail. Au Canada, la moitié d’entre eux gagnent moins de 18 000 dollars par an. Des recherches récentes montrent que ces artistes, quand ils sont âgés de plus de 65 ans, tirent de leur travail des revenus moyens d’environ 5 000 dollars – ce qui les place au seuil le plus bas de l’ensemble du domaine artistique – et que 32 % des artistes plus âgés sont exposés à un risque financier élevé. Comme le souligne Daphne Odjig : « Il s’agit, pour les artistes, d’un moyen formidable de profiter des retombées de leur travail acharné et de leur engagement envers ce qui constitue souvent le labeur de toute une existence. Pour ma part, ce n’est que tard dans la vie que j’ai connu un semblant de succès. À 92 ans, avec une maigre pension pour assurer ma subsistance, sans oublier la fonte de mes investissements, il m’aurait certainement été utile de toucher un petit revenu supplémentaire ».

 

Des ventes aux enchères auraient pu valoir des redevances du droit de suite à Joe Fafard

Entre 1994 et 2012, au moins 65 œuvres de Joe Fafard vendues aux enchères auraient pu valoir à cet artiste des redevances découlant du droit de suite. Ces redevances, qui variaient entre 80 et 4 000 dollars, constituent un manque à gagner total de 42 986 dollars, soit un paiement moyen de 661 dollars par œuvre.

Le prix le plus élevé atteint par une des œuvres de cet artiste lors d’une enchère atteint à ce jour 80 000 dollars, pour la sculpture Vincent Series Self-Portrait, vendue en 1997 par la maison Heffel Fine Art, de Vancouver.

En 2012 seulement, huit des œuvres de Joe Fafard ont été vendues aux enchères. Si le droit de suite s’appliquait au Canada, il aurait touché des redevances de 6 610 dollars pour cette année.

Outre la possibilité de toucher une part des profits, le droit de suite permet aux artistes de participer à la vie économique
« Je suis entièrement favorable à la proposition modeste visant à donner aux artistes accès au droit de suite. Cette demande semble minime, sachant que c’est tout de même l’artiste qui, au prix de nombreuses années d’efforts, est en grande partie responsable de l’augmentation de la valeur de son travail. Bon nombre des ventes initiales d’œuvres se font à des prix très bas, l’artiste n’ayant pas encore bâti sa réputation. Grâce à leur diligence et à un travail acharné, certains artistes, au fil du temps – quel que soit le nombre d’années –, parviennent à multiplier la valeur de leurs œuvres sur le marché. Ainsi, un acheteur qui revend une œuvre peut en tirer un bénéfice notable, voire jouir d’une véritable aubaine. Partager les fruits d’une telle aubaine avec l’artiste qui est en grande partie responsable de cet heureux événement, en lui offrant simplement un modeste rendement de 5 %, ne me semble pas particulièrement généreux, mais ce serait un début … Par ailleurs, j’emploie aussi une dizaine de personnes que je rémunère mensuellement, de sorte que toute somme d’argent qui parvient à mon entreprise ne profite pas seulement à moi, mais aussi à peut-être neuf ou dix familles », déclare Joe Fafard.

 

Des ventes aux enchères auraient pu valoir des redevances du droit de suite à Michael Snow

Entre 1999 et 2012, au moins 26 œuvres de Michael Snow vendues aux enchères auraient pu valoir à cet artiste des redevances découlant du droit de suite. Ces redevances, qui variaient entre 53 à 7 500 dollars, constituent un manque à gagner total de 28 888 dollars, soit un paiement moyen de 1 111 dollars par œuvre.

Le prix le plus élevé atteint lors d’une enchère par une des œuvres de cet artiste s’élève à ce jour à 150 000 dollars, pour la sculpture Sideways (1962), vendue en 2011 par la maison Heffel Fine Art de Toronto.

Les artistes canadiens tireraient profit de la vente de leurs œuvres au Canada et à l’étranger
Une fois établis au Canada, les artistes seraient en mesure de tirer profit des ventes secondaires de leurs œuvres ici et dans des pays qui se sont dotés du droit de suite, et avec lesquels des accords de réciprocité ont été conclus. C’est le cas d’au moins 93 pays dans le monde, y compris dans l’ensemble de l’Union européenne et, plus récemment, en Australie. Entre 2010 et 2012, plus de 600 000 dollars en redevances ont été versés à au moins 380 artistes australiens, dont plus de 60 % sont des autochtones. Le montant le plus bas des redevances versées jusqu’à présent dans ce pays était de 50 dollars et le plus élevé, de 40 000 dollars.

En 2009, la pièce de Michael Snow Table / chaises en bleu / jaune (1957) a été vendue à Davidson Enchères, en Australie. Si la loi canadienne comportait un droit de suite, cet artiste aurait reçu une redevance de 65 dollars. Michael Snow appuie cette initiative : « L’idée que l’artiste touche un droit de suite est excellente. Les gens devraient y être favorables ».

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N. B. Ne sont mentionnées ici que les ventes aux enchères recensées au moyen du site artprice.com. Ces chiffres ne comprennent pas les ventes secondaires effectuées par l’entremise de courtiers, les œuvres qui sont vendues moins de 1 000 dollars ou encore celles qui ont été vendues par des maisons de vente aux enchères non répertoriées ou suivant d’autres modalités. Cette évaluation ne reflète donc pas la pleine valeur de l’œuvre des artistes sur le marché secondaire.