CARFAC lutte avec acharnement pour que le gouvernement tienne compte des droits des artistes ! Nous demandons que le budget fédéral de 2017 comprenne des mesures visant à intégrer à la loi le droit de suite de l’artiste. Voici comment vous pouvez nous aider : lisez la présentation ci-dessous et prenez rendez-vous pour une rencontre avec votre député(e) local(e) pour défendre le droit de suite ! Vous n’avez pas de temps à consacrer à une rencontre ? Faites parvenir à votre député(e) une lettre ou un courriel. Veuillez nous appeler au bureau national si vous souhaitez davantage d’information sur la façon de mettre en place des réunions ou d’envoyer des communications à votre député(e).
Le 4 août 2016
Comité permanent des finances
Chambre des communes
Ottawa, Ontario
K1A OA6
Objet : Soumission à la FINA en vue du Budget fédéral de 2017 – Droit de suite de l’artiste
À l’attention des membres du Comité permanent des finances
La présente lettre vise à faire valoir les droits des artistes au Canada en vue du budget fédéral de 2017. CARFAC (Canadian Artists’ Representation / Le Front des artistes canadiens) vous exhorte à inscrire dans la loi le droit de suite de l’artiste (ou droit de revente) au Canada et à apporter les modifications qui en découleront à la Loi de l’impôt sur le revenu et à la Loi sur le droit d’auteur.
Qu’est-ce que CARFAC ?
CARFAC (Canadian Artists’ Representation / Le Front des artistes canadiens), établi par le gouvernement fédéral en tant que société à but non lucratif, est le porte-parole des artistes en arts visuels professionnels du Canada. À titre d’association sans but lucratif et d’organisme de services nationaux dans le domaine des arts, notre mandat est de promouvoir les arts visuels et d’encourager un climat socioéconomique propice à leur production au Canada, ainsi que de mener des recherches et d’œuvrer à l’éducation du public à ces fins.
CARFAC, fondé par des artistes en 1968, a été reconnu par la Loi sur le statut de l’artiste fédérale. L’organisme est guidé par un conseil actif, élu par ses membres.
Nous croyons que les artistes, comme les professionnels d’autres domaines, doivent être payés pour leur travail et recevoir une part équitable des profits que ce travail engendre. En tant que voix des artistes professionnels en arts visuels du Canada, CARFAC défend leurs droits économiques et juridiques et sensibilise le public à l’importance d’un traitement équitable à leur endroit. Ce faisant, CARFAC favorise un climat socioéconomique propice à la production d’œuvres d’arts visuels. CARFAC est activement engagé dans la défense et la promotion des droits, le lobbying, ainsi que la recherche et l’éducation du public, au nom des artistes du Canada.
Qu’est-ce que le droit de suite de l’artiste?
Le droit de suite habilite les artistes en arts visuels à recevoir un paiement chaque fois qu’une de leurs œuvres fait l’objet d’une revente publique dans une maison d’enchères ou une galerie commerciale. Nous recommandons que 5 % du produit de toute revente publique future d’une œuvre d’art soit reversé à l’artiste. Le droit de suite est appliqué dans plus de 93 pays dans le monde, y compris tous les pays de l’Union européenne, l’Australie et le Royaume-Uni. Le fait que le Canada ne reconnaît pas le droit de suite est d’ailleurs considéré comme une barrière commerciale au sein du marché international de l’art. Ainsi, dans le cadre des discussions portant sur les échanges commerciaux, l’UE a demandé au Canada de mettre en œuvre le droit de suite.
Cette redevance, qui découle entièrement de toute vente commerciale de l’œuvre d’un artiste, ne coûtera rien au gouvernement puisqu’il ne s’agit pas d’une taxe, et ne nécessitera aucun financement public continu une fois inscrite dans la loi. En fait, les redevances du droit de suite apporteraient plutôt des fonds au gouvernement fédéral : le produit de la vente d’œuvres d’art étant considéré comme un gain en capital aux fins fiscales, il n’est donc imposable qu’à 50 %. Par contre, les redevances sont considérées comme un revenu et sont donc pleinement imposables.
Le droit de suite concerne les enjeux de la pauvreté
« Non seulement le droit de suite ne coûte rien au gouvernement, mais il met de l’argent dans les poches de citoyens qui en ont grandement besoin. »
—Marcia Lea, directrice générale par intérim de CARFAC National
En 2010, le secteur des arts et de la culture a contribué à hauteur de 48 milliards de dollars au produit intérieur brut du Canada et employé plus de 650 000 travailleurs ; les chiffres sont probablement plus élevés aujourd’hui. En revanche, toujours en 2010, le revenu moyen des artistes canadiens, tous secteurs confondus, était seulement de 32 770 dollars, soit 32 % de moins que la moyenne individuelle générale ; le revenu moyen des artistes en arts visuels, à 24 672 dollars, était inférieur à celui qui prévalait dans les autres disciplines artistiques. Quant au revenu moyen des minorités racisées ainsi que des peuples autochtones dans l’ensemble des secteurs artistiques, il était encore plus bas. En contribuant aux revenus des artistes en arts visuels, le droit de suite contribuera à la lutte contre la pauvreté qui les touche.
Il arrive couramment que des œuvres d’art soient successivement revendues à des prix toujours plus élevés, à mesure que la réputation de l’artiste grandit. Or, cette réputation repose largement sur le labeur qu’il ou elle a fourni tout au long de sa carrière. Le marché de l’art canadien étant en plein essor, les ventes aux enchères canadiennes continuent de battre de nouveaux records au Canada… tandis que les artistes n’en tirent aucun profit sur les marchés secondaires.
Le gouvernement australien, dans une note du Resale Royalty Scheme publiée en 2013, constatait que les redevances déclarées produites sur moins de trois ans avaient totalisé la somme de 1 567 042 dollars, répartie entre 6 801 artistes. La grande majorité des œuvres d’art ont été vendues de 2 500 à 10 000 dollars, ce qui donne une idée du prix qu’obtiennent de leurs œuvres la majeure partie des artistes vivants. Ces artistes, qui ont consacré leur vie à la création et à la promotion des arts et de la culture, estiment avoir le droit de percevoir des redevances sur le produit de leur travail comme c’est le cas des créateurs dans d’autres secteurs tels la musique et la littérature, où les redevances sont reconnues par la loi canadienne.
Le droit de suite concerne les enjeux des autochtones
« Les artistes inuits ont apporté leur vision du monde à un public international, et construit un secteur économique qui crée des emplois et rapporte chaque année des dizaines de millions de dollars à l’économie du Nunavut. Aujourd’hui, nous nous joignons aux voix qui appuient le droit de suite de l’artiste et enjoignons le Canada à aborder cet aspect essentiel du droit. »
—Peter Taptuna, ministre du Développement économique et des Transports, gouvernement du Nunavut
Les artistes canadiens des Premières Nations, Métis et Inuits figurent parmi les plus exploités par les marchés de revente commerciale. Bien que l’art autochtone soit très prisé sur les marchés internationaux, de nombreux artistes autochtones n’ont pas accès au monde de l’art grand public en raison d’une discrimination intersectionnelle. Les « marchands d’art » qui jouent le rôle d’intermédiaires sollicitent directement les communautés inuites et celles des Premières nations afin d’acheter des œuvres pour les revendre sur-le-champ à trois ou quatre fois le prix initial. Or, ce profit échappera totalement à leurs créateurs et créatrices.
L’une des statistiques les plus convaincantes provenant d’Australie, pays qui a mis en œuvre le droit de revente de l’artiste en juin 2010, montre que plus de 65 % des bénéficiaires des redevances sont des artistes aborigènes ou originaires du détroit de Torres, et qu’ils ont reçu 38 % du total des redevances engendrées par les reventes d’œuvres.
CARFAC estime que la mise en œuvre du droit de suite de l’artiste et la sensibilisation à cet égard profiteront grandement aux artistes autochtones, tant en ce qui concerne leur subsistance que leur capacité à promouvoir leur art partout au Canada comme à l’échelle internationale. De plus, nous croyons que le gouvernement fédéral doit prendre toutes les mesures en son pouvoir afin de respecter les recommandations de la Commission vérité et réconciliation et de la Déclaration des droits des peuples autochtones des Nations Unies, en particulier celles des sections de ces deux documents qui traitent de la préservation et de la promotion de la culture, de l’art et des langues des populations autochtones.
CARFAC souhaite ardemment faire de la mise en œuvre du droit de suite au Canada une plateforme à partir de laquelle il pourra lancer une campagne de sensibilisation globale sur les droits des artistes en collaboration avec les les défenseurs des arts des communautés inuites, des Métis et des Premières Nations.
Le droit de suite concerne les enjeux de la retraite
« Voilà une merveilleuse façon pour les artistes de profiter de leur travail acharné et de leur engagement envers, très souvent, le labeur de toute une vie. Dans mon cas, ce n’est que tard dans la vie que j’ai atteint un certaine réussite. Aujourd’hui, à 92 ans, alors que je subiste à peine avec une petite pension et des investissements en constante perte de valeur, il m’aurait certainement été utile d’avoir un petit revenu. »
—Daphne Odjig, artiste âgée issue des Nations Odawa et Potawatomi
Des recherches récentes montrent que les artistes en arts visuels âgés (plus de 65 ans) tirent de leur art un revenu médian d’environ 5 000 dollars, le niveau plus bas parmi toutes les disciplines artistiques, et que 32 % des artistes âgés connaissent une grande précarité financière. Les artistes sont presque toujours des travailleuses et des travailleurs indépendants qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté tout au long de leur carrière. Par conséquent, il leur est difficile d’épargner pour la retraite ou d’être admissibles à des prestations de retraite.
Les membres de ce comité en sont bien conscients, la population du Canada est vieillissante. Aujourd’hui, pour la première fois, on compte au pays davantage d’individus âgés de 65 ans et plus que de 15 ans et moins. Or, les recherches menées dans des pays où le droit de suite a été adopté montrent qu’une grande partie des redevances perçues vont à des artistes âgés, ce qui est logique si l’on considère qu’il faut parfois toute une vie pour atteindre la notoriété. Ainsi, le droit de suite contribuera à une augmentation des revenus de retraite des artistes âgés.
Le cas de Daphne Odjig, cité ci-dessus, en est un exemple éloquent. Cette artiste n’a atteint sa renommée actuelle que très tard dans la vie. Maintenant qu’elle a dépassé les 90 ans, ses œuvres connaissent un taux élevé de revente… et pourtant, elle n’en bénéficie absolument pas. En 2012 seulement, 12 de ses œuvres ont été vendues aux enchères. Si le droit de suite s’appliquait au Canada, Daphne Odjig aurait gagné 7 218 dollars en redevances cette année-là.
L’on tient souvent pris pour acquis que les artistes, une fois reconnus, ont une carrière assurée. Pourtant, CARFAC a constaté que même les récipiendaires du Prix du Gouverneur général constatent qu’il leur est difficile, voire impossible, de vivre de leur art. La mise en œuvre du droit de suite au Canada offrirait une plus grande indépendance financière à nos artistes âgés, dont beaucoup sont dans le besoin. Mary Pratt, l’un des plus grands peintres vivants au Canada, doit aujourd’hui lutter pour gagner sa vie malgré son grand âge. Elle confie :
« J’ai vu la valeur de mes œuvres augmenter de façon exponentielle : à titre d’exemple, une peinture réalisée en 1966 et vendue 40 dollars est aujourd’hui estimée à 20 000 dollars. Avec l’âge, il devient plus difficile de trouver l’énergie nécessaire pour gagner un revenu décent. »
Conclusion
CARFAC demande à être invité à titre de témoin aux audiences de consultation pré-budgétaires. De plus, nous exhortons le ministre des Finances à instaurer au Canada le droit de suite de l’artiste et à apporter les modifications subséquentes à la Loi de l’impôt sur le revenu ainsi qu’à la Loi sur le droit d’auteur. CARFAC a élaboré une proposition exhaustive portant sur la façon la plus efficace d’appliquer le droit de suite au Canada, en s’appuyant sur les meilleures pratiques établies ailleurs et fort de consultation au sein la communauté des arts visuels du pays. Cette proposition, ainsi qu’une FAQ sur le droit de suite, sont disponibles sur demande.
En résumé :
- Non seulement les redevances du droit de suite ne coûtera rien au Trésor, mais elles engendreront des rentrées d’argent pour l’État sous forme de revenu imposable pour les artistes.
- Le droit de suite apportera un revenu non négligeable aux artistes en arts visuels du Canada, dont la plupart vivent en dessous du seuil de la pauvreté.
- Le droit de suite aura des retombées positives particulièrement importantes sur les artistes autochtones au Canada.
- Le droit de suite augmentera la sécurité de la retraite pour les artistes âgés du Canada.
Nous vous remercions à l’avance de prendre en considération les préoccupations et les suggestions des artistes, groupe vital à toute société avancée.
Veuillez recevoir nos sincères salutations,
Darrah Teitel, directrice, défense et promotion des droits
CARFAC National