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Lettre ouverte concernant l’admissibilité des artistes à l’AE pendant COVID-19

Le 4 avril 2020

Monsieur le Premier ministre,

CARFAC (Canadian Artists’ Representation / Le Front des artistes canadiens), l’association nationale des artistes en arts visuels professionnels, demande instamment au gouvernement fédéral d’examiner les obstacles auxquels se heurtent les artistes qui tentent d’accéder aux principaux programmes de secours d’urgence récemment créés en cette période de besoin inédite, et de remédier à ce problème.

Tout d’abord, nous sommes sincèrement reconnaissants au gouvernement fédéral d’avoir mis l’assurance-emploi à la disposition des artistes indépendants et autres travailleurs culturels, dont beaucoup sont actifs dans l’économie du spectacle. Selon Hill Strategies, 66 % des artistes en arts visuels sont des travailleurs indépendants. Ce pourcentage, qui se situe au-dessus de l’ensemble des disciplines artistiques (moyenne de 52 %), est nettement plus élevé que celui de l’ensemble des travailleurs (12 %).

La mise en place d’un filet de sécurité sociale est donc cruciale pour les artistes en arts visuels. Toutefois, parmi les lignes directrices actuelles concernant l’admissibilité à la prestation canadienne d’urgence (PCU), deux restrictions suscitent une grande inquiétude chez les artistes et chez les autres travailleurs indépendants ou actifs au sein de la gig economy du secteur culturel, et au-delà :

  • le critère d’être sans emploi ou sans activité indépendante pendant au moins 14 jours consécutifs au cours de la période initiale de quatre semaines, et
  • le critère d’avoir touché un revenu d’au moins 5 000 dollars en 2019 ou dans les 12 mois précédant la date de la demande.

La PCU semble avoir été créée en fonction d’une notion selon laquelle nous posséderions tous et toutes une unique source de revenus, et que celle-ci serait soit entièrement disponible, soit absente. Cependant, la plupart des artistes, designers, conservateurs indépendants, et bien d’autres travailleurs et travailleurs, comptent sur des sources de revenus multiples et souvent de nature imprévisible, dont certaines sont désormais taries.

Ainsi, de nombreux artistes partout au pays craignent de ne pas être admissibles parce que leurs revenus, même dans les meilleures circonstances, sont liés à des sources multiples. Plusieurs de ces sources de revenus (droits d’auteur, honoraires, services contractuels, etc.) peuvent être peu substantielles, et les paiements sont souvent espacés. Il n’est pas rare, par exemple, que des artistes reçoivent un paiement unique de droits d’auteur de 50 dollars, voire moins, pour des reproductions imprimées ou présentées en ligne, par exemple. Certaines de ces sources de revenu sont peut-être encore disponibles à l’heure actuelle, mais les paiements risquent de s’espacer. En outre, puisque notre secteur s’adapte rapidement à la nouvelle situation, des artistes pourraient se voir offrir des possibilités de faire valoir leur talent en ligne. Or, à titre d’exemple, le fait d’accepter des honoraires de 325 dollars pour une conférence d’artiste en direct pourrait entraîner la perte de 2 000 dollars en prestations d’assurance-emploi. Nous ne voulons pas que les artistes soient obligés de faire un choix entre refuser de travailler ou risquer de perdre leur accès à une sécurité de base !

En conséquence :

  • CARFAC recommande que le gouvernement du Canada reconnaisse les sources de revenus de petite envergure accessibles aux artistes et veille à ce que celles-ci ne constituent pas un obstacle à l’obtention d’un soutien d’urgence.
  • Nous recommandons que les artistes et autres pigistes qui reçoivent des paiements en vertu de la PCU puissent les faire déduire de la façon la plus simple possible. Il existe des précédents à cet égard dans le cadre de procédures de l’Assurance-emploi. La possibilité pour les artistes de déduire du revenu de soutien gouvernemental leurs ventes et leurs honoraires leur permettrait de conserver leur activité tout en versant une compensation pour les dépenses du gouvernement dans une mesure raisonnable.
  • Nous appuyons également la recommandation des organismes canadiens de gestion collective des droits d’auteur, dont Droits d’auteur Arts visuels, selon laquelle les revenus du droit d’auteur ne doivent pas être inclus dans une déclaration de demande de PCU, afin que les artistes puissent continuer à bénéficier de ces sources de revenus ponctuelles et souvent de nature imprévisible.

Nous affirmons également notre appui aux recommandations des Organismes nationaux de services aux arts qui représentent les musées, les galeries d’art et les conseils de métiers d’art, concernant la subvention salariale d’urgence du Canada. Les artistes en arts visuels exposent leurs œuvres dans les murs de ces institutions, et certains y travaillent en outre comme employés à temps plein, à temps partiel ou saisonniers. Nous sommes solidaires avec eux, ainsi qu’avec le Conseil des Arts du Canada, avec de nombreux groupes artistiques et culturels de toutes les disciplines, et avec les organismes axés sur les petites entreprises, les travailleurs de l’économie du spectacle et les pigistes de tous les secteurs – et pas seulement du secteur culturel – pour qui ces restrictions spécifiques constitueront une entrave.

Nous avons conscience que de plus amples détails à propos de la PCU et de la subvention salariale d’urgence du Canada seront publiés dans un avenir très proche. Nous espérons que le gouvernement reconnaîtra les graves préoccupations et les obstacles dont nous faisons état pour celles et ceux qui travaillent dans les domaines de la création et du travail indépendant. Nous espérons que des changements seront apportés pour permettre au secteur de la création de demeurer actif, dans ce contexte de grand besoin pour toutes et tous.

Alors que les Canadiens et les Canadiennes, comme les citoyens du monde entier, sont isolés dans leurs foyers, profitant plus que jamais du réconfort que procurent les contenus créatifs, nous vous rappelons que notre secteur, le secteur des arts, est un partenaire naturel dans l’effort commun mis en œuvre pour répondre à cette crise et effectuer la reconstruction qui devra s’ensuivre. Pour que nous puissions faire notre part, nos artistes et nos institutions culturelles ont besoin d’un accès juste et équitable aux prestations d’intervention d’urgence.

En toute solidarité,

April Britski, directrice générale nationale, CARFAC

Paddy Lamb, président national, CARFAC

 

Cc : L’honorable Bill Morneau, C.P., député, ministre des Finances

L’honorable Stephen Guilbeault, C.P., député, ministre du Patrimoine canadien

L’honorable Diane Lebouthillier, C.P., députée, ministre du Revenu national

L’honorable Jean-Yves Duclos, C.P., député, président du Conseil du Trésor

Mises à jour concernant l’aide fédérale

Prestation canadienne d’urgence (changements annoncés le 15 avril) :

  • Il n’y aura aucune limite au montant de redevances qu’un artiste peut recevoir relativement à des œuvres produites avant la crise, tout en demeurant éligible à la PCU;
  • Une personne qui reçoit la PCU peut gagner un revenu d’appoint pouvant aller jusqu’à 1 000 $ par mois (en excluant les redevances de droit d’auteur, qui ne sont pas incluses dans ce montant);
  • Une personne qui ne travaillait pas au moment du début de la crise, mais qui aurait commencé un emploi ou un contrat n’eut été de la crise, peut se qualifier pour la PCU;
  • Une personne qui a épuisé son assurance emploi peut transférer à la PCU.

Questions et réponses sur la prestation canadienne d’urgence

 

Photo : See-ming Lee