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Le Canada prolonge la protection du droit d’auteur pour les héritiers

Vous avez peut-être appris que le Canada a prolongé la durée du droit d’auteur inscrite à la Loi sur le droit d’auteur. Que signifie ce changement pour les artistes ?

Le droit d’auteur est le droit exclusif de produire, reproduire, autoriser, publier ou exécuter une œuvre d’art originale. Il vous permet de contrôler la manière dont votre œuvre est utilisée, par qui, et sous quelles conditions. Au Canada, toute œuvre d’art originale est automatiquement protégée dès sa création. Si une personne souhaite reproduire ou utiliser une de vos œuvres, elle doit en demander l’autorisation et / ou payer des droits (avec quelques exceptions, comme dans le cas d’œuvres du domaine public* ou d’« d’utilisations équitables » limitées et encadrées par un règlement). Vous avez la possibilité de céder vos droits par écrit, mais ce n’est généralement pas conseillé.

Depuis le 30 décembre 2022, au Canada, votre droit d’auteur est non seulement maintenu tout au long de votre vie, mais il continuera d’être protégé durant les 70 années qui suivront votre décès. Après ce délai, l’œuvre tombera dans le domaine public*, et quiconque sera libre de l’utiliser.

Auparavant, la durée de protection était « la durée de vie plus 50 ans ». Elle est passée à « la durée de vie plus 70 ans » dans le cadre de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). Ce changement harmonise les lois canadiennes avec celles d’environ 80 pays, dont la majorité des principaux partenaires commerciaux du Canada. Cette harmonisation de la protection du droit d’auteur place les artistes canadien∙ne∙s sur un pied d’égalité avec les artistes de ces autres pays.

Cette prolongation ne sera pas rétroactive. Cela signifie que si le décès d’un∙e artiste est survenu avant 1972, ses œuvres se retrouvent généralement déjà toutes dans le domaine public*. En revanche, si un∙e artiste est décédé∙e en 1972 ou après, ses œuvres tombent sous le coup du nouvel amendement, et le droit d’auteur s’y applique désormais pendant la durée de vie de l’auteur∙e plus 70 ans. Cette prolongation de la durée s’applique également aux droits moraux de l’artiste (par exemple, le droit d’être mentionné∙e en tant qu’auteur∙e de son œuvre).

Qu’est-ce que le domaine public* ?

Le domaine public fait référence aux œuvres qui sont légalement disponibles pour utilisation sans qu’aucune permission ni aucun paiement de droits ne soient requis. Cela peut être dû au fait que la durée de protection du droit d’auteur « à vie plus 70 ans » a expiré. Ou encore, parfois, ce droit ne s’applique tout simplement pas : le droit d’auteur protège l’expression originale d’idées ou de faits, mais il ne protège pas les idées ou les faits en eux-mêmes.

Vous vous demandez peut-être en quoi cela vous concerne, puisque ce sont les héritiers qui sont directement touchés par ce changement.

Le droit d’auteur est une forme d’actif. La perspective de pouvoir transmettre des biens de valeur à leurs héritiers après leur décès représente un soulagement pour de nombreux artistes. Plusieurs gèrent la succession d’autres artistes. Bien que CARFAC se préoccupe surtout des moyens de subsistance des artistes vivant∙e∙s, nous savons que la gestion de la succession d’un∙e artiste peut occasionner de nombreuses dépenses, notamment :

– le stockage, la préservation et l’authentification des œuvres ;

– la création d’un fonds patrimonial, d’une fondation ou d’un musée ;

– le travail administratif lié à la coordination des expositions et des publications, etc.

Les revenus de droits d’auteur peuvent contribuer à compenser ces coûts. Ce sont souvent les seuls revenus que les héritiers reçoivent pour faire ce travail, lequel contribue au patrimoine culturel du Canada. La prolongation permet désormais aux héritiers de bénéficier des redevances pendant une période plus longue, tant au Canada qu’à l’étranger.

John Degen, de la Writers Union of Canada, explique de manière convaincante pourquoi cette modification est une bonne chose. Il souligne que les œuvres canadiennes demeurent accessibles par l’entremise des héritiers, mais pas gratuitement. La modification législative garantit que votre patrimoine conservera sa valeur et son intégrité plus longtemps.

Avez-vous songé à prévoir qui s’occupera de vos intérêts lorsque vous ne serez plus là ?

Il y a de fortes chances que vous ne l’ayez pas fait, puisque seulement la moitié des Canadiens et des Canadiennes ont rédigé un testament. Si vous laissez derrière vous un stock d’œuvres ou que vous conservez des droits d’auteur sur vos œuvres, il est important de préciser qui en héritera. Il est également important de faire connaître vos souhaits à vos bénéficiaires afin que ceux-ci puissent gérer vos droits moraux et patrimoniaux. Bien que ce sujet dépasse le cadre de ce court article, il sera bon, lors de votre planification successorale, de tenir compte des dispositions de réversion figurant à l’article 14(1) de la Loi sur le droit d’auteur, lesquelles pourraient profiter à vos héritiers vingt-cinq ans après votre décès.

CARFAC Ontario a publié un document intitulé Les artistes visuels : guide de la planification successorale. Il s’agit d’un guide pratique sur la création d’un testament, qui aide les artistes à prendre des décisions éclairées relativement à l’avenir de leurs œuvres. Pour les artistes du Québec, où c’est le droit civil qui s’applique, le RAAV a publié un article intitulé « L’art de protéger son patrimoine artistique au-delà de sa mort », rédigé par Sophie Préfontaine.

Si vous souhaitez parler à un∙e avocat expérimenté∙e en matière de planification successorale pour les artistes, vous pouvez solliciter le Réseau national des cliniques juridiques.